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- Tuesday, 30 April 2024 11:51
Bibliothèque Kieffer René Kieffer 1875-1963 Michel Kieffer 1916-1991
FROM MAY 30 TO JUNE 9, 2024, the Librairie-Galerie Emmanuel Fradois is exhibiting a unique collection of some one hundred art bindings by René Kieffer.
A bookbinder, publisher and bookseller, René Kieffer was active in the first half of the 20th century, accompanying books through a period marked by both the modernization of bookbinding decoration, influenced by the Art Deco movement, and the emergence of a new category of bibliophile focused on the “illustrator's book”.
Monday to Saturday, 11:00 a.m. to 7:30 p.m., in our space at 5 rue du Cambodge, 20th arrondissement, Paris. Opening on May 30 at 6 p.m.
« La reliure française. Splendide ! Art en floraison et en renouvellement complet. Ayant dégagé, pour une époque nouvelle et des livres nouveaux, une formule nouvelle », s'enthousiasmait Henri Béraldi dans son compte-rendu de l'Exposition universelle de 1900.
René Kieffer (Paris : 1876-1963), sorti premier de la première promotion de L'École Estienne, devint l'un des acteurs phares de cette transformation, non seulement comme relieur mais aussi comme éditeur d'un nouveau genre de livre de luxe.
À travers plus d'une centaine d'ouvrages, pour la plupart reliés par René Kieffer pour sa bibliothèque personnelle, cette exposition présente l'apogée de la carrière du relieur-éditeur. Elle couvre l'ensemble de la période Art déco, de ses prémices à son déclin, soit de 1910 à 1935. Ainsi, à une première reliure Art nouveau influencée par la « flore ornementale » de Marius Michel, témoin de l'époque précédente, sont réunies des reliures à décor géométrique ou typographique inspirées par sa collaboration avec Pierre Legrain. Les reliures semble-t-il uniques élaborées par Kieffer pour ses propres exemplaires côtoient la gamme des reliures éditeur conçues par lui pour les ouvrages qu'il publie, du simple décor à la plaque aux reliures "demi-luxe" en maroquin, agrémentées d'or ou de mosaïque. La grande variété des reliures présentées le démontre : à la fois marqué par les goûts de son époque et ingénieur de ceux-ci, René Kieffer, s'attache à respecter ce qu'Ernest de Crauzat décrivait comme l'essence de la reliure moderne : « Un décor ne sert presque jamais deux fois, et sur chaque volume le bibliophile exige un décor inédit. » Sont également exposées 4 reliures réalisées par Michel Kieffer, devenu l'associé de son père en 1935 et premier ouvrier relieur de l'atelier.
Ces reliures habillent des livres dits « d'illustrateurs » (par opposition aux « livres de peintres »), catégorie bibliophilique qui connut son apogée dans le premier quart du XXe siècle. René Kieffer, éditeur de 1909 à 1937, compte parmi les figures importantes de cette « nouvelle bibliophilie », caractérisée par un volume de belle taille, un papier de qualité, une mise en page soignée, un tirage restreint et une image prenant le pas sur le texte commandée à un illustrateur professionnel sans relation aucune avec l'auteur. Kieffer participe à l'essor de cette catégorie par la production de 131 titres dont plus de 80 sont présentés ici, puis survit à l'écroulement du marché dans le courant des années 30.
Correspondances avec auteurs, illustrateurs, et éditeurs, dessins préparatoires ou inédits truffent les exemplaires. Ils nous renseignent sur l'implication de René Kieffer à tous les niveaux du projet éditorial, et éclairent son rôle en tant que véritable « architecte du livre » — c'est-à-dire, selon Bracquemond et Clément-Janin, en tant que directeur polyvalent participant aux aspects aussi bien artistiques que techniques de la production, et que l'on peut considérer comme véritable « auteur » de l'édition.
Sorti premier, en 1889, de la première promotion de l'École Estienne, René-Albert Kieffer est formé comme doreur chez Chambolle-Duru, puis s'installe à son compte en 1898. Disciple de Marius Michel, dont les décors floraux avaient tant marqué à l'Exposition de 1900, René Kieffer affirmait en 1922 : « Notre époque et notre littérature ne peuvent plus se contenter de ces décors « omnibus », qui se mettraient indistinctement sur un livre de vers, une pièce de théâtre, un roman ou un livre de prières. Nous concevons un décor de reliure pour le texte qu'elle habille et non pour le rectangle à décorer. [...] Ce décor doit faire penser à ce que l'on va lire, et il faut qu'il soit en quelque sorte une synthèse décorative du livre imprimé. [...] Mais quand je demande que le décor soit subordonné au texte, je ne demande pas qu'il soit une illustration supplémentaire exécutée en mosaïque de maroquin ou aux filets d'or. L'art de la reliure est avant tout un art décoratif, il ne faut pas lui en demander plus qu'il ne peut exprimer. »
Dès 1909, René Kieffer mène en parallèle une activité d'éditeur : après avoir fait ses armes en dirigeant des projets pour le Mercure de France, Crès ou encore Messein, il collabore avec Auguste Blaizot à la « Collection éclectique ». Après la première Guerre Mondiale, ses ouvrages paraissent sous le nom seul des éditions René Kieffer. Des textes classiques aux auteurs contemporains, des eaux-fortes de Charles Jouas aux « gauloiseries » de Joseph Hémard, la maison Kieffer semble offrir, par l'étendue de sa ligne éditoriale, un vibrant collage des goûts de l'époque.
Kieffer combine ses deux activités en proposant, pour les livres qu'il édite, des reliures ornées d'un décor estampé à la plaque (véritable « signature » du style Kieffer), conçu spécifiquement pour l'ouvrage. La formule séduit les bibliophiles, qui peuvent aisément commander un livre « habillé » sans passer par un tiers. Ces décors repoussent les limites de ce que Marius-Michel décrivait comme un « décor emblématique », et frisent parfois avec l'illustration — d'autant que plusieurs des plaques sont dessinées par les illustrateurs des ouvrages. Le style des ornements se géométrise, et s'éloigne de l'Art nouveau pour se rapprocher du mouvement Art déco.
Mais Kieffer n'arrête pas là ses expérimentations : poursuivant son activité de relieur d'art, il réalise, d'après des maquettes de Pierre Legrain, des reliures d'un genre nouveau pour la collection Jacques Doucet. Legrain, dont les décors font la part belle aux matériaux encore peu usités, cherche des artisans habiles : de 1919 à 1923, il collabore exclusivement avec René Kieffer. Lorsque Legrain s'installe à son compte en 1923, Kieffer intègre à son propre travail certains des éléments géométriques et typographiques introduits par Legrain.
Dans le premier quart du XXe siècle, une catégorie émergente de « bibliophiles spéculateurs », envisageant le livre de luxe comme un investissement financier, constituait une grande partie de la clientèle du « livre d'illustrateur ». Mais dans les années 30 survient la crise économique, et le marché s'écroule. De nombreux éditeurs sont contraints de mettre la clef sous la porte, mais la maison Kieffer survit, bien que sa production diminue sensiblement.
Michel Kieffer s'associe à son père en 1935. Premier ouvrier relieur de l'atelier, il y développe la technique du décor cloisonné. Il n'interviendra cependant dans les projets d'édition de la maison Kieffer qu'à partir de 1944. C'est surtout au sein de plusieurs sociétés bibliophiliques, en tant que « commissaire du livre », que Michel s'illustre. Après la mort de son père en 1963, il ferme l'atelier de la rue Séguier, et ouvre une librairie-galerie. Les éditions Kieffer comptaient alors 131 titres à leur catalogue, et l'on estime le total des volumes sortis de l'atelier de reliure à 41 000.
La Bibliothèque nationale de France conserve 1500 maquettes de reliures de l'atelier Kieffer, acquises auprès de Michel Kieffer en 1988.
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