ANONYME - [Recueil de 11 feuilles d’éventail]
De rarissimes coquetteries populaires du XVIIIe siècle
ANONYME
[Recueil de 11 feuilles d’éventail]
Paris : Crépy, s. d. (vers 1730)
Recueil in-p° (500 x 320 mm) de [11] ff. à toutes marges, ligature de fil
Ce recueil comprend 11 feuilles d’éventail gravées à toutes marges car non rognées. Quatre portent la marque de l’éditeur Louis Crépy le Fils (« A Paris chez Crépy rue St Jacques »), graveur en taille-douce dont la production dominait le marché parisien ; on peut présumer des sept autres qu’elles proviennent également de ses presses.
La plupart des gravures représentent des scènes de genre et de galanterie du début du règne de Louis XV (« La belle chanteuse », « Les berceaux », « Le quadrille », « La toilette », « La collation », « Le galant », « La conversation »). « Meleagre et Attalant », où figure une scène mythologique, met en exergue le rôle de l’éventail comme instrument de la dissémination de la littérature, et plus particulièrement du théâtre (Biger). Sur « Mlle Babet », on découvre la belle bouquetière du Palais Royal qui fascinait les foules à l’entrée des théâtres ; la gravure correspond à la description d’un éventail documenté par Bouchot et datant de 1727 (p. 39). Enfin, deux éventails (« Allons à l’allure, mon cousin » et « Mlle l’allure ») offrent un instantané de la culture du vaudeville : de 1732 à 1734, le terme « d’allure », signifiant probablement « dans l’air du temps », était sur toutes les bouches — en témoignent les paroles des chansons populaires reprises sur ces éventails.
L’éventail populaire, gravé, enluminé parfois par les coquettes et vendu dans les théâtres et les fêtes, fait rage au siècle des Lumières. Henri Bouchot en décrit la valeur documentaire en ces termes : « L’idée m’est venue que l’histoire tout entière du XVIIIè siècle, avec ses folies, ses grâces, ses coquetteries, ses flons-flons merveilleux et ses entraînements populaires, pourrait se lire sur un éventail. De la Régence au Directoire, de Law aux agioteurs du Perron, la mode a conduit la France plus sûrement que la politique, et comme si nos pères eussent voulu affirmer leur frivolité, ils ont marqué leurs gloires ou leurs égarements sur des écrans légers, comme on écrirait sur le sable. » (p. 36)
Peu nombreux sont les éventails populaires du XVIIIe, fragiles et d’un usage éphémère, à être parvenus jusqu’à nous. Les recueils tels que le présent sont quant à eux rarissimes. La BnF possède un Recueil d’Éventails de la Collection du Maréchal de Richelieu renfermant 21 éventails populaires gravés au XVIIIe siècle et conservés par le maréchal de Richelieu. Ceux-ci sont cependant rognés courts avec une possible perte des titres situés au bas. On n’y trouve qu’une seule feuille présente ici « Mlle l’allure » (en deux exemplaires, dont un enluminé et avec son revers).
Petites déchirures marginales, déchirures marginales habilement restaurées à « Le galant », Déchirures habilement restaurées à « La belle chanteuse », un manque et un infime trou comblés à « Mlle l’allure » ; Bouchot, Henri. « L’histoire par les éventails populaires (1719–1789) ». Les Lettres et les Arts. Paris, janvier 1888. t. 1. p. 43 ; Biger, Pierre-Henri. Sens et sujets de l’éventail européen de Louis XIV à Louis-Philippe. Thèse. Art et histoire de l’art. Université Rennes 2, 2015.
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