REGNIER-DESMARAIS - Recueil de quelques poésies morales
Rare édition originale en vélin de l'époque, l'exemplaire de Frédéric Lachèvre
REGNIER-DESMARAIS (François-Séraphin)
Recueil de quelques poésies morales
Paris, Florentin et Pierre Delaulne, 1700.
In-12° (171x120 mm), [2] ff. - 56 pp., vélin, titre manuscrit au dos, tranches naturelles (reliure de l'époque)
Édition originale et unique très rare de ce recueil de 14 pièces en vers, fables, virelai, etc... L'année de sa parution, le Journal des sçavans le présenta en ses termes : « Toutes les matières de ce recueil sont des pièces sur le mérite & la fortune, sur la raison & l'autorité, sur la vérité & l'humilité, sur l'ambition & l'hipocrisie, sur les biens & les maux du mariage, & sur d'autres sujets semblables. On ne les sauroit lire sans y prendre beaucoup de plaisir, & sans souhaiter qu'elles fussent plus longues. » Voici deux strophes (1 et 5) d'une d'entre elles, un virelai intitulé « Sur l'excés où on porte toutes choses. » :
On ne voit plus qu’excés en France. La richesse, la pauvreté, L'épargne, la magnificence, La politesse, l'impudence, La valeur, la timidité, La mollesse, l'activité, L'érudition, l'ignorance, La louange, la médisance, L'air dévot, & l'impiété, Tout jusqu'à l'excés est monté : On ne voit plus qu'excés en France.
[...] La mode d'un ameublement, Au bout d'un mois est suranné, Au bout d'un mois abandonnée, Par pur esprit de changement : Porte, fenestre, cheminée, Tout suit la même destinée, Pour la forme & pour l'ornement ; Celle-cy d'hier terminée, Vient d'estre aujourd'huy condamnée ; On l'abbat demain seurement : Peut-on voir cette extravagance, Et ne pas dire incessamment : On ne voit plus qu'excés en France ?
La « Lettre morale à Timandre. En vers de nouvelle mesure » occupant les pages 47 à 56 bénéficie d'un faux-titre au verso duquel se trouve un avertissement relatif à ladite nouvelle mesure de vers. Cette dernière avait déjà paru en 1669. Trois autres pièces avaient paru précédemment dans des recueils collectifs, La Maison en décadence (Bonhours, 1693 sous le titre de « le logis qui dépérit »), Les biens & les maux du mariage (Moetjens, 1698 sous le titre de « Sur le mariage ») et le virelai (Recueil de pièces nouvelles, 1699 sous le titre de « Virelay sous les excés en France »). Le reste, soit les 10 autres pièces, nous semble inédit.
François-Séraphin Regnier-Desmarais (Paris,1632-1713), homme d'Église, diplomate, poète, traducteur et grammairien français, accompagna en 1662 le duc de Créquy, ambassadeur de Louis XIV, à Rome, où il fut chargé d'étudier les relations entre les deux cours sur la question de la Corse. Le roi pour l'en remercier lui donna en 1668 le prieuré de Grandmont près Ghinon et l'engagea ainsi à prendre l'état ecclésiastique auquel il ne pensait pas. Toujours au sujet de l'affaire des Corses, Il publia en 1707 une Histoire des démêlés de la cour de France avec la cour de Rome. En 1670 il fut élu tout d'une voix par l'Académie française à la place de Cureau de La Chambre. Il en devint le secrétaire perpétuel en 1683. Il participa à la rédaction et à l'édition du Dictionnaire de l'Académie et fit paraître indépendamment en 1705 un Traité de la grammaire françoise, lequel tente de présenter une synthèse des connaissances grammaticales du XVIIe siècle, mais n'innova guère par rapport aux grammaires qui l'ont précédé. Régnier-Desmarais a laissé par ailleurs des poèmes en français, en espagnol et en latin. Segrais disait de ses poésies : « [elles] sont fort chatiées et [les] vers en sont fort beaux mais l'on est pas porté à les lire une seconde fois. » Outre plusieurs ouvrages d'Anacréon, Homère et Cicéron, il traduit en français le Exercicio de perfección y virtudes christianas (Pratique de la perfection chrestienne) du jésuite Alphonse Rodriguez (1538-1616).
PROVENANCE : Frédéric Lachèvre, avec son superbe ex-libris macabre gravé contrecollé au contreplat supérieur. Frédéric Lachèvre (Paris 1855-1943), bibliographe, érudit et critique littéraire est l'auteur de plusieurs ouvrages qui font autorité dans le monde très fermé des bibliophiles. Son ex-libris figure sur quelques-uns des ouvrages les plus rares de la bibliothèque nationale ou de collections privées. Promu à une belle carrière de banquier, c'est à sa passion pour les livres rares que Frédéric Lachèvre devra de passer à la postérité. Pour les spécialistes du XVIIe siècle, notamment ceux qui s'intéressent aux textes « libertins », Frédéric Lachèvre est l'irremplaçable éditeur, notamment dans son monumental Libertinage au XVIIe siècle (15 volumes publiés de 1909 à 1928), de bibliographies très précieuses et de textes rares, ceux que vouaient à l'oubli et au mépris les tenants du classicisme. Il est aussi l'auteur des deux considérables bibliographies que sont celles des Recueils collectifs de poésie du XVIe (1922) et du XVIIe siècle (1901-1905) qui lui valurent la réputation de « bibliographe-bénédictin ». Sa Bibliographie des Keepsakes publiée en deux volumes (1929) a permis de retrouver, dans cette production très commerciale, des pièces mineures écrites par de grands écrivains.
Le CCFr ne recense que trois bibliothèques possédant l'ouvrage (BnF, Troyes, Nantes) ; l'OCLC, une seule autre (Indiana university).
Lachèvre II, 435-436 ; Mouillures sur les gardes, rares rousseurs.
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