[FRAGONARD] - Catalogue des objets d'art vendus par M. Walferdin
Le catalogue d'une légendaire collection d'art du XVIIIe siècle, aujourd'hui dispersée
[FRAGONARD]
Catalogue des objets d’art vendus par M. Walferdin à M. de Monbrison par acte devant Me. Persil Nre à Paris, du 4 février 1863
Paris : Société la Nationale, vers 1863
Cahier in-f° (202 x 301 mm), [12] ff. dont le titre - [2] f. bl. manuscrits à l’encre brune sur papier vélin non filigrané, ligature de fil rose (travail de l’époque)
Catalogue manuscrit, inédit, de la vente de gré à gré en 1863 de la nue-propriété de la célèbre collection d’objets d’art de François Walferdin à Georges de Monbrison (épelé parfois Montbrison). Cette copie du catalogue fut réalisée par ou pour la compagnie d’assurance sur la vie « La Nationale ». L’ensemble fut, selon un article de Claretie paru en 1880, « acquis par Georges Monbrison (1830-1906) contre 20000 livres de rente », mais donc conservé par Walferdin jusqu’à sa mort. Il semble y figurer plusieurs oeuvres de Fragonard inconnues des principales monographies et qui n’apparaissent pas au catalogue la vente Walferdin de 1880.
Centrée principalement sur le XVIIIe siècle, la collection comprenait alors un total de 1154 tableaux, sculptures, lots de dessins et gravures, y compris de nombreuses pièces de Fragonard, dont Walferdin fut l’un des premiers collectionneurs : 113 tableaux, 5 miniatures, 426 dessins, 27 eaux-fortes, 4 contre-épreuves de dessins, et 89 gravures réalisées d’après ses œuvres. Sont également représentés Claude Gillot, Jean-Baptiste Greuze, Carle van Loo, Antoine Watteau, Joshua Reynolds, Théodore Géricault, François Boucher, Pierre Prudhon, Jean-Antoine Houdon, etc.
Pour chaque œuvre, le catalogue recense les informations suivantes : pièce dans laquelle elle était accrochée au domicile de M. Walferdin, numéro d’ordre, désignation des tableaux (titre de l’œuvre), hauteur et largeur (en cm) et parfois observations, à savoir : forme ou état ou particularité ou couleur ou technique.
La collection Walferdin fut dispersée à sa mort au cours de deux ventes. Une première vente eut lieu à Drouot le 3 avril 1880. Aucun des 12 tableaux mis en vente le 3 avril 1880 n’apparaît dans notre catalogue manuscrit. Peut-être s’agit-il d’acquisitions postérieures à la vente de 1863. Claretie explique en effet « après la vente de cette collection déjà ancienne, Walferdin avait recommencé une petite galerie qui, à sa mort, est revenue à des collatéraux qui la font vendre ».
La seconde vente, également organisée par Drouot, se tint du 12 au 16 avril de la même année. Le catalogue de cette vente recense 79 tableaux de Fragonard, 7 tableaux attribués à Fragonard, et 6 tableaux d’après Fragonard, ainsi quelques tableaux non-catalogués réunis sous le numéro 94 (une note manuscrite sur l’exemplaire du catalogue de la vente scanné sur Gallica indique que 6 tableaux auraient été vendus sous ce numéro). On compte également 8 miniatures par Fragonard et 1 par Mlle Gérard, 5 pastels par Fragonard et 1 d’après Fragonard, et enfin 379 dessins (la plupart réunis en lots), en plus d’un nombre inconnu de dessins non-catalogués vendus en lot sous le numéro 275. La vente rapporta la somme de 457 416 francs. Bien que le catalogue de cette seconde vente annonce que la collection « va être livrée aux enchères dans son intégrité, sans addition, sans retranchement » hormis « quelques productions de Fragonard trop libres pour être exposées » la comparaison soulève de curieuses différences.
En effet, pour n’évoquer que les tableaux : la plupart des tableaux recensés en 1863 reparaissent dans la vente de 1880, malgré un occasionnel changement de titre ou d’attribution (par exemple, le n°49 du manuscrit, recensé comme l’esquisse du tableau « Paysage, un paysan dans l’eau chassant le bétail », est indiqué en 1880, n°92, comme une étude d’après Fragonard. Le n°83, « Le départ pour le bal de l’opéra », est quant à lui attribué à Mlle Gérard sous le n°119). Cependant, quelques tableaux vendus en 1880 ne sont pas documentés (aucun tableau de même dimension) dans le catalogue manuscrit de 1863 : aucune trace, ainsi, du n°20, « L’abdication de Marie Stuart », 31 x 23 cm.
Plus curieusement encore, au moins 16 tableaux indiqués dans le catalogue manuscrit de 1863 ne semblent reparaître (même en prenant en compte les changements de titre et d’éventuelles erreurs dans les dimensions) ni dans la vente du 3 avril, ni dans celle des 12 au 16 avril. Ces tableaux comprennent notamment :
- N°24, « Triomphe de Flore », 30 x 49 cm. Rosenberg ne semble documenter aucun tableau de sujet et de dimensions similaires.
- N°27 « Le pot au lait », ovale, 64 x 53 cm, sans bordure. Cette toile célèbre (la hauteur et la largeur sont vraisemblablement inversées sur le manuscrit) est conservée au musée Cognacq-Jay. Ni le catalogue de l’exposition « Fragonard, les plaisirs d’un siècle » (musée Jacquemart-André, n°21) ni Rosenberg n’évoque sa présence dans la collection Walferdin. Le catalogue Jacquemart-André retrace ainsi ses provenances successives : « vente Prault 27 novembre 1780 ; vente N. Ponce, 12-16 décembre 1831, n°1 ; vente 9 février 1848, n°65 ? ; vente 26 novembre 1849, n°58, La Cruche renversée ? coll François ? vendu à E. Cognacq, 15 décembre 1913. » Rosenberg ajoute : « [Cuzin] accepte, avec prudence, une seconde version « sur parchemin » du tableau, de mêmes dimensions que la toile du musée Cognacq-Jay, disparue depuis la vente Doistau du 5-6.III.1937 ».
- N°72, « Les petits chiens et leur maîtresse », 78 x 61 cm. Rosenberg ne semble documenter aucun tableau de sujet et de dimensions similaires. Le titre évoque deux tableaux bien connus de Fragonard, mais leurs dimensions sont différentes : « La jeune fille aux petits chiens » (ovale, 61 x 50 cm) et « L’éducation fait tout » (55 x 68 cm, également un dessin au bistre présent dans la collection Walferdin).
Certaines oeuvres, reparues au catalogue des ventes, ont suivi des parcours moins mystérieux.
Par exemple :
- Le buste en terre cuite de Mirabeau par Jean Antoine Houdon fut acquis en 1880, pour la somme de 4000 francs, par l’état pour le Musée du Louvre.
- Le début du modèle, huile sur toile ovale, fut vendue pour la somme de 15 000 francs à Édouard André lors de la vente de 1880 ; elle compte encore aujourd’hui parmi les pièces maîtresses du Musée Jacquemart-André.
- Le sacrifice au Minotaure, huile sur toile, fut acquise par M. Brame pour la somme de 5 300 francs à la vente de 1880. Après un passage par la collection Jacques Doucet, dispersée en 1912, la toile reparaîtra en vente en novembre 2023. Elle est estimée à ce jour entre 4 000 000 et 6 000 000 d’euros.
Homme politique d’orientation libérale, physicien inventeur de l’hypsothermomètre et de l’hydrolocomètre, François Walfredin (1795-1880) collabora également à l’édition Brière des oeuvres de Denis Diderot. Un «portrait» plus littéraire, signé par Clarétie et paru dans la Chronique du Temps, le dépeint de la sorte : M. Walferdin « fut un type du vieil amoureux des jolies choses du temps passé, un amant du dix-huitième siècle alors que le dix-huitième siècle était alors méconnu [...]. M. Walferdin s’était comme retiré dans son logis de l’île Saint-Louis, et il y vivait en compagnie de Fragonard. Ah ! Fragonard ! C’était, je ne dirai pas «son homme», cette fois : c’était son Dieu, son demi-dieu, si l’on veut, car Denis Diderot passait peut-être avant Frago dans l’admiration de M. Walferdin. Encore n’en répondrais-je point. » (in Revue de l’Agenais et des anciennes provinces du sud-ouest, 1880, vol. 7, pp. 178)
Ce catalogue nous semble essentiel pour l’étude de l’oeuvre de celui qui est l’un des principaux représentants du style rococo et l’un des plus grands noms de la peinture française.
Quelques feuillets légèrement effrangés, petite mouillure marginale en fin d’ouvrage.
Bibliographie :
- Portalis, Roger Baron. Honoré Fragonard, sa vie et son oeuvre. Paris : J. Rothschild. 1889.
- Le même « La collection Walferdin et ses Fragonard », in Gazette des Beaux-Arts, avril 1880. pp. 297-322
- Rosenberg, Pierre. Tout l’œuvre peint de Fragonard. Paris : Flammarion. 1989.
- Dupuy-Vachey, Marie-Anne. Fragonard. Les plaisirs d’un siècle, cat. exp. Paris, Musée Jacquemart-André, 2008.
Suivez-nous !